Les expats au Québec et le tutoiement, dans les affaires, les études et la vie sociale.
Trouver la bonne distance et appréhender ce qui se cache sous l’écorce
Quand on arrive au Québec, une des premiers aspects qui accrochent notre oreille, avec délice ou répulsion c’est selon notre âge, notre éducation et nos croyances, c’est cette habitude qu’ont les Québécois d’utiliser le tutoiement… de manière généralisée.
Oui cela peut surprendre que la caissière du supermarché, deux jours après votre arrivée au Québec, vous demande : as-tu trouvé ce que tu cherchais aujourd’hui ? Quand on est jeune, on n’est pas plus que cela surpris et même peut-être ravi de cette supposée familiarité. C’est au cour du processus d’acculturation, quand on fait face aux codes culturels qui nous sont étrangers, que l’on peut trouver étrange que justement un étranger nous tutoie d’emblée, sans passer par la case présentation… au moins au magasin. En situation d’expatriation, d’immigration au Québec ou même pour les étudiants internationaux, le rapport à la langue française est plus complexe que prévu. Même si nous parlons la même langue, les références et les biais culturels sont différents et souvent inconscients. Cela fait partie du processus d’acculturation, de l’apprentissage interculturel. Il est vrai que le tutoiement est un marqueur social (la famille, l’enfance, la jeunesse, certains cercles professionnels ou entre pairs). Mais qu’en est-il au Québec, pour les Français ou les francophones qui arrivent, avec les cultures anglophone et francophone qui déteignent sur l’usage de la langue qu’on utilise ? De la syntaxe au vocabulaire en passant par les expressions idiomatiques transposées…
L’une des principales caractéristiques de la culture québécoise, thématique interculturelle majeure en particulier dans le milieu professionnel, est la notion d’égalité entre les citoyens. Que ce soit entre les femmes et les hommes, au niveau de la diversité dans toute la richesse de son spectre, ou plus spécifiquement au niveau de la hiérarchie. En entreprise, avant tout, le pragmatisme est de mise. Chaque personne a une mission, un rôle qui fait partie d’un grand tout. On attend de chacun qu’il ’livre’, qu’il apporte sa pierre à l’édifice, qu’il fasse avancer l’équipe, le projet, l’entreprise, ou sa carrière.
Si au Québec la hiérarchie est plus faible qu’en France, le tutoiement y est également plus facile. Cependant, là où le bât blesse pour certains Français en arrivant au Québec, c’est la grande différence de l’utilisation du tutoiement et de ce que cela implique. Nos références culturelles, notre vision du monde, des classes sociales, de la place de chacun dans la communauté sont très différentes entre la France et le Québec. Alors un peu d’histoire et de mise en contexte, avant de juger sans savoir, peut nous aider à mieux comprendre et mettre en place des stratégies relationnelles bienveillantes et adéquates !
Ici, le tutoiement pourrait s’apparenter à l’utilisation du »you » anglais qui ne traduit pas une fraternisation ou une proximité sociale et hiérarchique. Se tutoyer est un aspect du pragmatisme nord-américain avec une hiérarchie plus horizontale qu’en France, on simplifie les codes mais les subtilités demeurent. C’est qu’on les exprime différemment et pas pour les mêmes raisons. Si cela est le reflet d’une certaine fluidité sociale et d’une simplicité fort agréable, il ne faudrait pas se méprendre et en déduire forcément une proximité relationnelle. Il est primomordial d’intégrer, quand on vient de France, que si on se tutoie dans un esprit d’égalitarisme social, cela n’implique en rien que si votre supérieur vous tutoie vous alliez devenir les meilleurs amis du monde. Loin de là.
Parfois, le Français qui arrive au Québec, pour faire des affaires, y étudier ou pour y vivre, avec ses références sociales plus ou moins conscientes, peut décoder le tutoiement comme une avancée relationnelle implicite. Mais voilà, ‘icitte’ justement il ne s’agit pas de cela. Même si cela peut être simple et assez agréable, on peut tutoyer et être très loin de l’autre.
Au Québec, on n’apprécie que très moyennement les références à une hiérarchie qui pourrait se vouloir verticale et forte. On vise la collaboration, voire le co-développement, mais en fin de compte la hiérarchie existe et à chacun sa mission, ses responsabilités avec tout ce que le cela comporte. Et le tutoiement non réciproque pourrait être très mal vécu, comme une imposition de distances de bien mauvais augure déplacée, dans un sens comme dans l’autre. Quand il s’agit de tutoiement, ce doit être des deux côtés ! Une surprise parfois pour certains Français quand la personne responsable prendra les décisions qui pourraient être fracassantes même s’il tutoie ses collègues ou les gens de son équipe.
Il n’y a que peu de corrélations au Québec entre le tutoiement et la proximité relationnelle, voire affective! Alors qu’allez-vous faire de ce tu qui ‘tue’ parfois les relations ou du moins qui semblent être un passage délicat ? Is up to YOU, my dear. En anglais au moins, le You ne pose pas ce genre de questions. Et vous qu’en pensez-vous ?
Cécile Lazartigues-Chartier Consultante en interculturel, Linkedin
www.lartetlamaniere-interculturel.com
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